ANNEE 2008 – Au péril de la peinture


2008-1 Au péril de la peinture
par Catherine Plassart

Geneviève Besse nous propose « ses interversions » et nous mène à la rencontre de plusieurs «moments» constructifs et destructifs, dans un déploiement formel inattendu.

Pour comprendre le projet de Geneviève Besse, il faut se rappeler le long chemin parcouru avec les poètes et la soixantaine de livres d’artiste conçus et réalisés depuis vingt ans. Or, nous confie-t-elle, « Je crois que le livre d’artiste comprenant un texte d’un poète accompagné de mes peintures si il s’arrête là est abandonné dans son trajet. »

Au départ de cette nouvelle installation, pour l’Hôtel Beury à L’Echelle, un poème d’Yves Leclair « L’antique lumière d’Eden ». Le texte accompagné de cinq peintures de l’artiste, a donné lieu à un livre édité à 9 exemplaires par le centre d’art et de littérature. Puis comme elle a pris l’habitude de le faire depuis quelques années, l’artiste a développé ses « interversions ».

Geneviève Besse désire que l’on puisse embrasser toutes les pages d’un ouvrage d’un même regard, retrouver ainsi la vision d’un même texte divisé en différents “morceaux”. Le livre, petit miracle d’ergonomie qui tient dans la main et qui assure au lecteur la possibilité de se retirer dans le silence et la solitude est « intervertit », métamorphosé en passant à une dimension monumentale. Sur papier libre, pur chiffon, grand format, le même texte dans une mise en page différente est recomposé avec d’autres couleurs. Le face à face, avec « l’oeuvre ouverte » accorde d’autres sens au poème. Les regards plus nombreux peuvent ensemble converger vers une installation qui vise une totalité.

Dans un premier temps donc, le poème s’extériorise et se développe au nom de l’intention plastique, dans un but de partage, l’artiste reconstituant sous la forme de six panneaux sur pied de 125 x 100 cm, les éléments “pages”, la structure “livre ouvert” et les rythmes harmonieux de la lecture.

Puis, tout se passe comme si elle renonçait à son projet épuisé pour s’intérioriser dans les peintures gris cendre, dense et quasi tragique des dos des panneaux. Vous êtes à ce stade invité à contourner les « pages ». Au verso, le poème se détériore, mots et lettres ne sont que particules dispersées, réorganisées en des associations brisées et discordantes qui aboutissent à l’anéantissement du texte.

2008-2Puis, survient la dernière étape des « interversions ». Sur un mur, cinq panneaux de 125 x 50cm, photocopies en couleurs du livre originel, du livre « source », montrent la destruction de l’ouvrage, révèlent le processus de détérioration.

Détruire le livre pour retenir les mots, détruire les mots pour ne conserver que la lettre. Les grands lecteurs le savent, il est salutaire de temps à autre, de brûler sa bibliothèque. La destruction doit cependant être méthodique pour accéder à la taille du rituel et être garante d’une renaissance créatrice.

Ainsi Geneviève Besse, avec ses « interversions » se livre avec entrain à la destruction des textes. Ultime défense pour s’assurer que l’on est bien dans un rapport spontané et enthousiaste à la réalité ? Ultime paradoxe d’écriture ? Contradiction, peut-être ? A l’artiste tourangelle qui a beaucoup fréquenté l’abbaye de Thélème, tout est permis : le mélange et la combinaison des écritures puisque tous les mots que nous connaissons sont en même temps vrais et faux, le poème différemment, le savoir et la connaissance autrement, le livre au péril de la peinture, les libres « interversions ».

Exposition au Centre d’art et de littérature – Hôtel Beury
L’Echelle (08) du 5 juillet au 24 août 2008


 

 2008-3